Ce volume éclaire l’esthétique romanesque polyphonique originale de ses deux grands romans : Les Javanais (1939) et Planète sans visa (1947), fresque de Marseille sous Vichy en 1942, avec une attention particulière au travail de la langue, notamment dans les réécritures successives. Il étudie les nouvelles de Coups de barre (1944) et retrace la généalogie de son dernier roman Le Gaffeur (1953), un récit d’anticipation.
Le positionnement politique internationaliste de Jean Malaquais, exprimé dans ses journaux et textes polémiques (pamphlet contre Louis Aragon) est interrogé dans ses conséquences esthétiques. Un texte inédit en français complète le volume.
Résumé
Geneviève Nakach, « Malaquais, du point d’ancrage au point de fuite »
Dès sa première publication, Jean Malaquais a ancré son écriture dans le mouvement et la rupture. La plupart de ses personnages sont mus par l’urgence de partir pour gagner leur vie ou celle de fuir pour sauver leur peau. Mêlant sa voix à ces identités traquées et menacées de disparition, le poète revendique son droit de cité, autrement dit : sa rébellion.
Pierre Masson, « Planète sans visa ou Voix sans issue »
À travers la vie à Marseille sous l’occupation, marquée par la multiplication des langages et l’impossibilité d’une communication sincère, Jean Malaquais dénonce les méfaits des idéologies et des faux-semblants imposés par l’ordre fasciste ; mais il montre aussi que pour ceux qui s’en donnent la peine, la recherche d’une voix authentique reste possible.
Julien Roumette, « Le Silence de la mer de Vercors réinterprété par Malaquais dans Planète sans visa : un silence saturé de cris »
En 1947, Jean Malaquais insère dans Planète sans visa une réécriture du Silence de la mer où l’officier allemand se révolte et tue un officier SS. Cependant Jean Malaquais ne fait pas que plaider pour l’action. La crise de conscience du personnage amplifie le thème du silence et le charge d’une symbolique nouvelle, portée par une écriture polyphonique très aboutie.
Pierre Masson, « Coups de barre ou il est dangereux de se pencher au-delà du réel »
Dans l’œuvre de Jean Malaquais, Coups de barre semble une parenthèse étrange, marquée par le fantasque, voire le fantastique. Mais à rapprocher les nouvelles du recueil, on observe la récurrence de certaines images obsédantes, comme celle d’une sexualité vaguement avilissante, ou celle d’un besoin de protection quasi utérine. C’est l’imaginaire de Jean Malaquais qui reçoit ainsi un éclairage inattendu.
Gabrielle Frija, « La mer dans l’écriture de Jean Malaquais »
Plusieurs romans et nouvelles de Jean Malaquais se déroulent en mer ou près de la mer. Mais, suivant le regard des personnages, le romancier, centré sur les problèmes humains, ne laisse qu’entrevoir le paysage maritime. Si la mer peut constituer un élément dangereux (« El Valiente », « Il Piemonte »), elle n’a jamais d’existence en dehors de l’action.
Julien Roumette, « Malaquais et Anna Seghers. Deux esthétiques pour deux visions politiques de Marseille sous Vichy 1940-1942 »
Planète sans visa et Transit d’Anna Seghers, publiés en France en 1947, partagent un regard sur la ville et les réfugiés coincés à Marseille sous Vichy après 1940. Pourtant, le discours anti-intellectuels, la figure de Varian Fry, le camp des Milles les opposent. Leurs positions politiques, communiste ou internationaliste, ont influé sur leurs esthétiques romanesques.
Bruno Curatolo, « Le Gaffeur (1953) : le Poète et la Cité »
Coïncidant avec la mort de Staline, le troisième et dernier roman de Jean Malaquais est une représentation de la société en piège systématique de l’individu. Il met en scène, avec une intuition rare, la réduction de la personne au mutisme. Après George Orwell, avant tant de « politique fictions » héritées de Kafka, il envisage l’exclusion du Poète de la Cité au bénéfice, peut-être, du règne de la bêtise érigée en vertu existentielle.
Julien Roumette, « Les “logomachies” de Malaquais. L’interrogatoire politique de Planète sans visa au Gaffeur »
Dans Planète sans visa (1947), le face à face entre un ancien militant bolchévik et un inquisiteur nazi fait écho au Zéro et l’infini d’Arthur Koestler et se conclut par la mort, geste ultime de rébellion. Dans Le Gaffeur (1953), Jean Malaquais transforme le discours de l’inquisiteur bureaucratique en une logomachie creuse, exorcisant la terreur totalitaire par l’humour.
Georges Millot, « Pourquoi diable Kierkegaard ? »
À la fin de l’année 1960, Jean Malaquais soutient en Sorbonne une thèse de philosophie sous la direction de Jean Wahl, publiée sous le titre : Sören Kierkegaard, foi et paradoxe. Il s’est approprié d’une manière étonnante la pensée du philosophe danois, apprenant sa langue. Malgré son idéalisme, il a trouvé un être à la pensée tout aussi intransigeante que la sienne. Contemporaine du Gaffeur, cette thèse donne des clés pour la lecture du roman.
Claude Burgelin, « Autoportrait en guerrier solitaire. Le Journal de Jean Malaquais (1939-1942) »
Le Journal de guerre de Jean Malaquais est un texte magnifique. Liberté de ton, de pensée, d’analyse, tout de rapidité, il a l’art de mettre instantanément dans la cible, lançant ses flèches contre la veulerie ambiante, la lâcheté généralisée autant que contre lui-même en ses contradictions. « Le seul moyen que j’ai de savoir si une chose est vraie, c’est de la sentir bouger à la pointe de ma plume. »
Genevière Nakach, « Convictions et personnages internationalistes chez Jean Malaquais »
Sans jamais avoir écrit de livre à thèse, Jean Malaquais a su communiquer le souffle d’une génération pour laquelle l’avenir devait être un monde sans frontières. Il demeura toute sa vie internationaliste, s’engageant politiquement. Dans son œuvre, se croisent des personnages, passeurs d’obstacles et de témoin, qui, par nécessité ou par conviction, ont su franchir les frontières pour s’en affranchir.
Richard Walter, « Le Nommé Louis Aragon : de Malaquais, Péret, Henein aux surréalistes, les riches heures de la critique contre Aragon »
En 1945, Jean Malaquais signe une charge violente contre Louis Aragon « patriote professionnel » incarnation de la Résistance. Il rejoint les surréalistes qui tirent à boulet rouge contre leur ancien camarade, même si leurs relations furent peu cordiales. L’étude comparée de leurs écrits contre Louis Aragon montre que « les ennemis de mes ennemis restent mes ennemis ».
Georges Millot, « Le nommé Jean Malaquais ou l’anti-patriote comme il respire »
En novembre 1945, Jean Malaquais fait paraître « Le nommé Louis Aragon ou le patriote professionnel » dans la revue Politics de Dwight MacDonald à New York. Au-delà de la défense de son ami André Gide, Jean Malaquais s’insurge contre tout nationalisme, celui du coq gaulois comme celui de la patrie des soviets stalinienne. On ne trouvera aucune réponse au pamphlet dans la presse du PC, pourtant dirigée par Louis Aragon lui-même.
Victoria Pleuchot, « Les Javanais entre hier et aujourd’hui. Une comparaison des versions de 1939 et de 1995 »
Jean Malaquais a remis sur le métier son roman Les Javanais à l’occasion de sa republication en 1995, cinquante ans après sa première parution en 1939. L’écrivain a modernisé le propos politique. Mais il s’est aussi livré à un travail de réécriture, accentuant l’originalité de son style, en particulier le « javanais » parlé par ses personnages, et développant la dimension humoristique.
Emma Álvarez-Prendes, « Traduire Malaquais. La langue et les langues dans Les Javanais »
À travers les difficultés rencontrées lors de la traduction du roman Les Javanais en espagnol, l’analyse linguistique approche quelques spécificités du style de l’écrivain. Les difficultés de traduction permettent d’éclairer l’importance accordée au travail sur la langue par Jean Malaquais, notamment par l’usage de différentes langues, qui constitue une caractéristique originale du texte.
Franck Laurès, « Mal acquis ou bien trouvés. Les noms de personnages chez Jean Malaquais »
Jan Pavel Malacki, alias Jean Malaquais, apatride habitué à jongler avec les états civils, était sensible à l’onomastique. Une étude des noms de personnages dans Planète sans visa le confirme. Si l’obsession de l’état civil, qui caractérise la France de Vichy et l’Allemagne nazie, impose l’onomastique comme un thème romanesque, le nom des personnages fait aussi l’objet d’un jeu littéraire conscient.
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